Eco-exploitation des infrastructures
Contexte
Notre système de transport doit s'adapter à une transition numérique, écologique, économique et énergétique.
Concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES), il est confronté à une contradiction entre croissance du trafic liée à la croissance des échanges et limitation nécessaire des émissions afin de limiter les conséquences du changement climatique. Cette contradiction se retrouve aux niveaux mondial, européen et national.
- Selon un rapport du Forum international sur le transport (OCDE) de janvier 2017 : les GES émis par le secteur des transports augmenteront de 60 % entre 2010 et 2050. Dans le même temps, la synthèse du rapport du GIEC de 2014 indique que pour limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 °C, le secteur des transports devra maintenir ses émissions de GES entre 2010 et 2050.
- Au niveau européen, le Livre blanc de la communauté européenne sur le transport (projection 2050) énonce des objectifs ambitieux pour 2050 comme diminuer de 50 % le fret routier au dessus d'une distance de 300 km, tripler la longueur du réseau ferroviaire à grande vitesse. Un scénario de référence de transition pour 2050 est mis à jour régulièrement. Ce scénario repose, notamment, sur des gains substantiels (supérieurs à 30 %) de l'efficacité énergétique des modes routiers et ferroviaires.
- En France, nous constatons une stabilisation de l'émission des GES par le système de transport depuis 1990. Cependant, les objectifs posés par la loi de transition énergétique sont de baisser de 2/3 les émissions de GES pour le transport entre 2010 et 2050.
Notre système de transport est, donc, à repenser. Nous contribuons à cet effort général par l'analyse technique de la relation entre les infrastructures de transport et leurs usages.
Cadre de nos travaux
Des travaux antérieurs ont permis de développer des méthodes d’évaluation des impacts environnementaux des phases de construction et de maintenance en allant jusqu’à proposer des outils de type éco-comparateurs (ECORCE2, etc.) mais des études récentes ont montré la nécessité d’inclure également la phase d’usage dans ces évaluations (trafics routier et ferroviaire).
Notre objectif est donc d'évaluer comment la conception des infrastructures du transport influence l'usage, que ce soit sur la route, le rail et les pistes cyclables.
Cette figure illustre nos travaux : les paramètres de conception influencent la construction mais aussi l'usage et la maintenance. La première étape consiste à construire des procédures d'évaluation des ressources consommées et des impacts des différentes phases qui soient sensibles aux paramètres de conception. En optimisant ces paramètres, nous pouvons ainsi limiter les impacts négatifs et les ressources consommées. Ceci nous amène à proposer une éco-conception de l'infrastructure qui tienne compte de l'usage. Une autre conséquence de cette évaluation est aussi de proposer une meilleure exploitation des infrastructures existantes.
Les impacts et les ressources consommées pour une infra sont de différents types. Actuellement, les indicateurs d’impacts environnementaux sont nombreux et il n’existe pas ou peu de consensus au niveau international sur la façon de calculer et d’utiliser la majorité d’entre eux. A notre niveau, nous avons fait le choix de nous focaliser sur les impacts en termes de gaz à effet de serre et d’énergie, ces deux indicateurs s’avérant robustes et largement validés par la communauté scientifique.
La sécurité des usagers est prise en compte dans l’analyse des différentes solutions envisagées (valeurs limites des pentes, dévers, limitations de vitesses, etc.).
Les recherches portent donc sur le développement d’une méthodologie prenant en compte l’usage dans les évaluations des infrastructures routières et ferroviaires. L’influence des caractéristiques géométriques, des propriétés de surface et des politiques d’exploitation est étudiée. La variabilité du parc de véhicules, des vitesses pratiquées, etc. est également étudiée via des collaborations avec d’autres laboratoires de l’université Gustave Eiffel (ex Ifsttar) travaillant sur ces questions.
Infrastructure routière
La route est souvent considérée comme un invariant du système véhicule-infrastructure-conducteur. De nombreuses études portent sur la limitation de la consommation de carburant des véhicules. Des études concernant l'influence de la route sur la consommation sont plus rares et souvent centrées sur la résistance au roulement. Nos études ont un positionnement différent, en considérant l'influence des paramètres géométriques : dévers, pentes et, plus récemment, l'influence de la signalisation.
Influence du dévers
Le dévers dans les virages est un paramètre important pour la sécurité. Nous étudions son rôle dans la consommation des véhicules en utilisant des modèles de dynamique des véhicules confrontés à des essais réels avec un véhicule instrumenté.
Ce travail s'effectue au sein du projet danois Rose (Roads Saving Energy) (2016-2018)
Influence des pentes
Cette influence est plus documentée que pour les dévers. Nous travaillons sur des programmes d'optimisation du profil longitudinal des routes tenant compte des impacts de la construction et du trafic. Nous utilisons des modèles de terrains naturels et des modèles de consommation de véhicule.
Ces travaux sont menés avec le laboratoire ECO7 du campus de Lyon de l'université Gustave Eiffel.
Influence de la signalisation
La signalisation routière est conçue pour la sécurité. Notre problématique est de proposer des modifications locales de cette signalisation afin d'augmenter les possibilités de d'éco-conduite tout en maintenant cette exigence de sécurité.
C'est dans ce cadre que se déploie la thèse de Emir Deljanin, dont le titre est : « Potentialité d'éco-conduite des infrastructures routières selon l'adéquation entre tracé et vitesses d'usage ». Cette thèse s'effectue en collaboration avec l'Université de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) (2016-2019). Elle interagit avec l'animation de réseau de l'Université Gustave Eiffel (ex Ifsttar) sur l'éco-conduite.
Infrastructure ferroviaire
Le lien entre infrastructure et trafic est plus aisé à appréhender dans le domaine ferroviaire car le matériel roulant ferroviaire est moins hétérogène que le trafic routier. Ce lien a fait l'objet du partenariat de recherche 2010-2014 entre RFF (devenu SNCF-réseau) et l'université Gustave Eiffel (ex Ifsttar) dont l'intitulé est « Améliorer l'efficacité énergie-carbone des investissements ».
La thèse Cifre de Romain Bosquet : « Modélisation énergétique et identification des trains pour l'éco-conception des lignes ferroviaires à grande vitesse », soutenue le 23 juin 2015, s'est déroulée dans le cadre de ce partenariat.
Nous avons travaillé sur l'identification de modèles de train à grande vitesse à partir des essais de réception de la ligne à grande vitesse (LGV) Rhin-Rhône. Nos collègues de Ease ont construit un modèle d'évaluation de la construction.
Ceci nous a amené à proposer la méthodologie PEAM (Project Energy Assessment Method) qui a été appliquée à deux variantes du projet de LGV entre Montpellier et Perpignan.
Une partie de ce travail est présentée dans cette vidéo.
Peam est présenté dans : Bosquet, R., A. Jullien, P-O. Vandanjon, M. Dauvergne, and F. Sanchez. “Eco-Design Model of a Railway: A Method for Comparing the Energy Consumption of Two Project Variants.” Transportation Research Part D: Transport and Environment 33 (2014): 111–24. https://doi.org/10.1016/j.trd.2014.08.003
Pistes cyclables
Après un premier travail sur les matériaux utilisés pour les pistes cyclables au sein du cluster Novabuild, nous avons souhaité nous orienter vers l'évaluation de l'usage des pistes cyclables.
C'est dans ce cadre que nous portons l'initiative ciblée de l'université (ex Ifsttar) : Cycleval (2016-2017). Le Cerema a développé un vélo instrumenté très performant d'inspection des pistes cyclables pour détecter des désordres : le Vel’audit. Nous travaillons sur un prototype de vélo instrumenté qui ajoutera une fonctionnalité au Vel’audit permettant de mesurer la difficulté à parcourir un itinéraire (la cyclabilité d'un itinéraire).
Le comité de suivi comprend : Ifpen, laboratoire Xlim, Geovelo, NovaBuild, Nantes métropole, AF3V, Cerema Nantes.
L'ensemble des résultats sur l'éco-exploitation permettra d'alimenter les futurs outils d'évaluation (sujet 3 du projet scientifique de EASE)